Je m’avance devant la sombre forteresse, malgré mon angoisse, je ne peux pas reculer , il est trop tard maintenant…
Personne, pour l’instant… je me rapproche encore un peu, me voilà à l’entrée, je n’ose plus respirer, pour ne pas attirer l’intention. Je n’entend plus rien, ou du moins, je ne veux plus rien entendre. Quelques cailloux tombent sur le chemin que je viens de traverser, je sursaute, me retourne vivement et sort ma fidèle lame, prête à me sauver la vie une fois de plus. Je me colle contre la paroi, avant de me réfugier pas loin d’une petite cachette entre plusieurs rochers, en cas d’embuscade. Finalement, je me calme, mais je ne parviens pas à contrôler mon ton qui est quelque peu mal assuré.

- Je…je suis Keyros, guerrier qui porte les couleurs d’Aqua…

Je tourne sur moi même, avant de ranger mon arme.

- Où êtes-vous ?!!

La nécromancienne vagabondait depuis presque une heure dans les couloirs sombres et lugubres du quartier des Ombres lorsqu’une voix attira son attention. Celle d’un homme assurément. Elle pouvait discerner une sorte d’inquiétude dans cette voix, il s’agissait d’un ennemi sans aucun doute, une chair fraîche qu’elle pourrait peut être dépecer. Tout en approchant de cette mystérieuse voix, elle imaginait déjà un bel homme avec lequel elle userait de ses charmes pour pouvoir s’amuser quelques temps avec lui, jusqu’à ce que l’ennui la pousse à lui ôter la vie dans d’abominables souffrances. Cette idée lui plaisait et un sourire venait se dessiner sur son visage.

Elle pouvait à présent discerner une ombre, il était là rangeant son arme dans son fourreau. S’approchant à pas feutrés, la demoiselle se préparait déjà à réciter un de ses sorts.

- Où êtes-vous ?!!

Restant dans l’ombre la jeune femme ne parvenait pas à discerner le visage de cet inconnu, elle décida alors de se manifester.

- Qui es tu ? Que viens tu faire en ce lieu… Approches un peu pour que je puisse discerner le visage de celui qui ose s’aventurer sur notre territoire.

Je me fige, j'ai déjà vu ce visage, oui... C'était il y a bien longtemps, mais je ne peux pas oublier ce passage de ma vie. Elle était là, de nouveau, elle n'a pas changée...
Elle hausse la voix :


- Qui es tu ? Que viens tu faire en ce lieu… Approches un peu pour que je puisse discerner le visage de celui qui ose s’aventurer sur notre territoire.

Lentement je m'avance vers elle, d'un pas confiant, en répondant à sa question.

- Je ne pense pas avoir besoin de te rappeler mon nom, Nerwene.

L’homme s‘avançait vers moi, dévoilant par la même son identité. En effet, je connaissais son nom. De ma bouche s’échappa un bref murmure

Keyros…

Ce visage, ce regard d’un bleu envoûtant, comment aurais-je pu l’oublier. Cela faisait si longtemps et pourtant je me souvenais de chaque détails… Ce rêve que j’avais fait un jour, portant les mêmes couleurs que celles qu’il portent actuellement. Il était mon guide et m’avait acceptée comme je suis, faisant impasse de mes passions obscures. Ce rêve m’avait semblé si réel…
Et ce jour de combat où nous nous étions croisés… Levant mes armes contre lui je l’avais reconnu. Nous ne portions plus les mêmes tuniques mais il était cet homme, celui dont j’avais rêvé…

Faisant un pas vers lui, je sortie de l’obscurité…

Keyros… Nos destins se croisent une fois de plus et je serais curieuse de connaître les raisons qui t’ont poussé à venir jusqu’au quartier des Ombres.

Elle s'approche, je sais que je la connais, avons nous vécu un rêve ? Je ne sais pas, je me poserais des questions plus tard.

- Keyros… Nos destins se croisent une fois de plus et je serais curieuse de connaître les raisons qui t’ont poussé à venir jusqu’au quartier des Ombres.

Sa voix, elle aussi, est toujours la même...

- Et bien... On parle beaucoup de vous, et j'étais curieux de vous découvrir... Comment en es-tu arrivée là ?

La tournure de sa phrase me dérangeait … « En arriver là » . Cela résonne comme un reproche, comme si j’avais touché le fond. Je suppose néanmoins que cela n’a rien de malveillant mais je ne pouvais contenir mon ressentiment.

« Sache de prime abords que devenir Ombre n’est pas donné à tout le monde… Il s’agit là d’un privilège. Nous sommes les adeptes de Kilinae et nous cherchons à poursuivre sa mission… La recherche du dernier œuf de Phoenix.

Certains disent que nous sommes sournois, cruels, assoiffés de pouvoir. Je ne dirais pas le contraire. Lire la souffrance dans les yeux d’un homme est une véritable jouissance pour chacun d’entre nous.

On parle beaucoup de nous, certes peut être parce que nous ne sommes pas des pantins prônant le liberté et la justice de ces terres. Nous ne nous vouons aucunement à ces dieux que tant de monde adule. »

Tout en prononçant ces mots, je pus lire l’effroi dans son regard. Je sortie alors une petite dague de mon corset et commençais à la faire glisser le long de mes doigts me laissant ainsi de petites cicatrices d’où s’échappaient quelques gouttes de sang. Cette provocation semblait l’obséder et cette obsession me fascinait.

Un sursaut, je m'étais assoupie. Je suis tellement... tellement fatiguée ces derniers temps. Epuisée, vidée, je n'en peux plus, mais n'en laisse rien paraître. Yzrael s'est éveillé en même temps que moi, le voilà qui vient se loger au creux de mon cou, comme à son habitude.

- Toi aussi tu l'as senti n'est-ce pas ?

Ma voix n'est qu'un murmure. Une caresse au petit animal, et je me lève, me dirigeant vers l'entrée de la forteresse, en silence.
Derrière le masque impassible ornant mon visage se dessine un sourire, imperceptible pour tout autre, ou presque. Le seul pouvant le ressentir n'est pas là pour le moment.

J'y suis presque, mes pas se font moins rapides, et je m'arrête, encore hors de vue. Sa voix, sa présence... je ferme les yeux un instant, tandis qu'un souvenir intense refait surface. Une légère pression contre mon cou me sort de cette rêverie : Yzrael est impatient.

Je m'avance... et s'efface mon sourire si bien caché derrière mes traits imperturbables lorsque j'aperçois la nécromancienne. J'avais omis ce "détail".
Je reste immobile jusqu'à ce que les yeux du guerrier se posent sur moi, lui lance un regard incisif et me dirige vers la porte massive, passant entre eux sans leur adresser un mot, avec l'intention de disparaitre au creux de la nuit.

-Sache de prime abords que devenir Ombre n’est pas donné à tout le monde… Il s’agit là d’un privilège. Nous sommes les adeptes de Kilinae et nous cherchons à poursuivre sa mission… La recherche du dernier œuf de Phoenix.

Certains disent que nous sommes sournois, cruels, assoiffés de pouvoir. Je ne dirais pas le contraire. Lire la souffrance dans les yeux d’un homme est une véritable jouissance pour chacun d’entre nous.

On parle beaucoup de nous, certes peut être parce que nous ne sommes pas des pantins prônant le liberté et la justice de ces terres. Nous ne nous vouons aucunement à ces dieux que tant de monde adule.

- Je sais mais...

Je réfléchis, et tourne la tête pour ne pas qu'elle aperçoive ma déception, mais alors que je penche celle-ci sur le coté, le regard d'une autre femme croise le mien, un regard que je connais bien...
Elle avance vers nous, c'est Nospheria. Je suis désemparé, ne sais plus quoi faire, je tourne la tête vers Nerwene, puis vers Nospheria, je suis perdu, elle passe entre nous, il faut agir, maintenant...

Sans réfléchir, j'attrape son poignet et me faufile rapidement devant elle, lui faisant face, je la fixe, elle n'a pas changée, et comme la première fois, je ne sais pas quoi dire...

Sensation de chaleur lorsque ses doigts se referment sur mon poignet. Il me barre la route, silencieux. Il y a tant de choses que je pourrai lui faire en cet instant. Le faire hurler de douleur sous la puissance d'un sort, attendre qu'il se décide à parler, ou encore entailler sa gorge à l'aide de la petite dague effilée reposant tout contre ma peau...

Ho oui, la dernière fois... je n'ai pas gouté à son sang. Et cela me parait tellement indispensable en cet instant. Je dois me concentrer intensément pour éviter de passer le bout de ma langue sur mes lèvres.

Dois-je parler la première ? Ou bien le laisser se noyer lentement dans mon regard ? C'est tellement tentant... Et si nous jouions un peu cher Ange...

Du bout des doigts, j'effleure sa joue.

- Que nous vaut cette visite ?

Elle me fixe pendant quelques instants, avant de faire glisser sa main sur ma joue, je ferme les yeux un moment, savourant la délicate caresse. Elle hausse la voix, sur un ton que j’aime toujours, un ton que je trouve très délicieux à l’oreille…

- Que nous vaut cette visite ?

-Je… je voulais juste vous découvrir un peu, on entends beaucoup de chose sur vous, et puis, je voulais revoir certaines personnes. . .

Je ne vois plus que son visage envoûtant, et je me laisse guider dans une danse enivrante à l’intérieure de moi même, où il n’y a que son visage, où la forteresse et son sombre paysage ont disparus…

Je ne veux voir qu’elle.

- Revoir certaines personnes... oui en effet, tu avais l'air très occupé, vraiment navrée de vous avoir "interrompus".

J'ai volontairement mis un accent ironique sur la fin de ma phrase. Avec un imperceptible sourire narquois, je dégage mon poignet et laisse mes doigts courir au creux de sa main.
Sous couvert d'une courbette surjouée, je me penche vers lui, respirant le parfum de sa peau. Un murmure à son oreille :

- La forêt est tellement agréable à cette heure de la journée...

Puis, sans rien ajouter, je fais volte-face et pousse les portes de la forteresse, me dirigeant vers les bois, non loin.

J'en reviens à moi...

- Revoir certaines personnes... oui en effet, tu avais l'air très occupé, vraiment navrée de vous avoir "interrompus".

Sortit de ma rêverie par une remarque quelque peu agaçante... Elle dégage ma main rapidement, ses lèvres près de mon oreille, je ferme les yeux en entendant sa voix :

- La forêt est tellement agréable à cette heure de la journée...

Elle s'en va, son corps disparait dans l'obscurité, au loin, je ne tarde à me reprendre, je m'avance lentement, puis une fois les portes de la forteresse sombre passées, j'accélère mon pas, et encore, j'oublie tout ce qui reste derrière moi...