Profitant de cette nuit qui s’annonce calme, je suis assisse dehors, en espérant trouver quelque chose d’intéressant.

La nuit, cette nuit… Un moment si plaisant où tout bruits peuvent être perçu, même les plus infimes. Sans doute le seul moment où l’on peut réfléchir tranquillement, sans devoir subir continuellement les lamentations des autres. Ou bien entendre le Ponelfe se vanter, narguer les gens…

« Celui-là, il aurait mieux fait de rester un Poney pour le restant de sa vie… Etre un elfe, ça lui a fait plus grossir la tête que rallonger les oreilles ! »

Je me suis exprimée à haute voix… Ca m’arrive parfois… Ce n’est pas toujours gratifiant, surtout quand quelqu’un passe par là et qu’il entend uniquement des bouts de phrases. Mais bon… Il y a certaines choses qui sortent toute seule !

Puis soudainement, j’entends d’abord de petits coups sourds. Au début je les ignore complètement.

« Sans doute une Ombre qui s’entraîne encore tard… »

Puis à nouveau plus rien. Mais c’est parler trop vite. Ces mêmes coups reprennent faiblement, irrégulièrement, mais presque éternellement. C’est lassant…

Ces bruits sont trop faibles pour qu’ils soient la source d’un entraînement tardif au final… Peut-être la porte ? C’est non sans soupirer que je me lève de mon banc, en me dirigeant vers celle-ci. Une fois ouverte, je regarde en face de moi. Puis à gauche, et enfin à droite. Personne. Je soupire une nouvelle fois, puis je baisse mon regard… Quelle plaisanterie…
Mais l’auteur de ces coups doit son salut à mon dernier regard… En effet, le nouvel – ou plutôt, au vu de sa morphologie – la nouvelle arrivante est d’une taille… Mais d’une taille… extraordinairement petite !

« Mille Ponelfes baveux ! T’es quoi toi ? Une naine ? »

Quelle étrange personne… Si le terme « personne » est approprié… Je la détaille un peu plus… Des vêtements d’une propreté affligeante, et un parapluie tout aussi miteux que son propriétaire… Mais un autre détail attire encore plus mon attention que tout son accoutrement ridicule… En effet, le caillou qu’elle porte dans ses mains me tourmente… Le Ponelfe m’a raconté tellement de choses avec ces histoires de Gob’s, d’évolution et de cailloux… Mais bon, elle est pas assez verte pour en être un. J’hausse les sourcils et reporte mon attention sur ma nouvelle interlocutrice.

« Motif de ton arrivée ? »

Défilement de minutes? d'heures? D'éternité?
A frapper forces déclinantes, contre la porte inlassablement close.
Parfois un arrêt, l'ouïe fine aux aguets se met à l'affut du bruit d''un pas salvateur, qui demeure silencieux.
Râlage impossible, car inexistence d'envie.. Reprend alors monotonie du geste sans plus trop rien attendre.

Feuille morte piétinée gémit. La petite Gnome cesse alors d'appliquer sa bête idée et se retourne.
Guette l'arrivée.. Nulle surprise de voir débouler un "Grand", lassitude se voir se jouer la même gestuelle..
Rien devant alors à gauche puis à droite.. Et heureux maître du hasard regard lancé vers le sol.

S'en suit toujours un air sot, et parfois même les palabres assorties.

« Mille Ponelfes baveux ! T’es quoi toi ? Une naine ? »

Petite jeune femme jusqu'ici de marbre, s'arrange fièrement, faisant fi de la terre sur son visage et ses habits, glisse coquette une main dans ses roux cheveux qu'elle adore, puis toise de toute sa petite hauteur la "Grande" devant elle négligeant intentionnellement de donner entière réponse:

"Venir tenir importante promesse! Et proposer forte main à l'Ombre, deux pierres d'un coup!"

Demander le motif de son arrivée, c’était juste pour la bonne forme. De toute façon, toutes les personnes qui viennent se présenter ici veulent en général postuler. Plus rare sont celles qui viennent pour parler diplomatie. Et nulle sont celles qui cherche l’hostilité. Ahlala…

Je l’observe, mais cette fois-ci, impassible. Ma première réaction fut une erreur, je n’aurais jamais du m’exprimer à voix haute. Stupide manie. Elle finira par me coûter chère un jour.

Quand elle se met enfin à parler, ce n’est d’étranges mots qui sortent de sa petite bouche. D’ailleurs je ferais mieux d’expédier rapidement cette entrevue. Je n’ai pas envie de me coincer un des muscles de ma nuque, grandement sollicité en ce moment même.

« Bien bien, et cette promesse de quoi s’agit-il exactement ? »

Hum, « deux pierres d’un coup », cherchait-elle à dire « d’une pierre deux coups ? » Bien entendu…

« Prêter main forte à l’Ombre ? Et que penses-tu pouvoir nous apporter ? »

Elle était petite il est vrai, mais elle tenait déjà de bien grands mots.

« Il serait quand même plus que judicieux que tu me donnes au moins ton nom si tu veux nous rejoindre… »

Et blablabla… Et blablabla. C’est quoi déjà sa première phrase ? Un truc avec « pas présomptueuse pour un sous » hein ? Encore que du blabla pour rien…
Y’en a vraiment qui n’ont que ça à faire… Dépenser leur salive. De toute façon, le truc qu’elle vient de dire, c’est sans importance. Moi, je sélectionne ce que je veux d’abord.
Sa dernière phrase ? Pas entendue non plus. Elle espère peut-être me donner des ordres ? Faut en rire ou en pleurer ? Peu importe… De toute façon, je n’ai pas entendu.

« Très bien, si c’est tout ce que tu as à dire… Je vais donc te laisser ici pour le moment. Je vais retourner de là où je viens et aller trouver les autres pour discuter de ton sort. Cette discussion peut être rapide comme très longue… Aie le courage d’attendre. »

Cependant, avant de la laisser seule je rajoute quelques mots.

« Puisque tu sembles ne pas porter de nom, j’annoncerai qu’une naine avec un parapluie attend à notre porte. Qui sait… Peut-être que quelqu’un aura entendu parler de toi. »

Je jette un dernier regard scrutateur envers la naine puis je m’en vais à nouveau, m’engouffrer dans notre demeure, à la recherche des autres Ombres.

Pour là je-ne-sais-combientième-fois de la journée, j’arpente encore ces couloirs qui me semblent à chaque fois infini. Finalement, cette réunion n’aura pas durée très longtemps. J’y suis venue seule, mais cette fois-ci, presque pour mon plus grand malheur, je me vois en repartir accompagnée.
Les gens n’ont vraiment pas idée… Mais je ne me serais jamais imaginée qu’en ce monde quelqu’un pouvait la connaître.

Me perdant dans ma réflexion, je ne me rends pas tout de suite compte que je suis déjà dehors… D’un geste mécanique, j’ai déjà ouvert la porte. Je la vois donc assise sur des rochers... toujours là. Elle a eu le courage d’attendre… Bien bien.

Je me rapproche d’elle et lui annonce enfin le résultat.

« Dorénavant quand nous nous verrons, ce ne sera plus en temps qu’ennemi… Il a été décidé que tu pouvais devenir l’une des nôtres. Cependant, je préfère te prévenir que certains d’entre-nous aiment tuer pour le plaisir… J’espère donc que tu arriveras à trouver tes repères. »

Je marque une pause, peut-être pour que la naine puisse assimiler la nouvelle…

« J’ai emmené avec moi une personne qui te connaît et qui voulait absolument te voir… Je pense que tu sais déjà de qui il s’agit... Après tout, c'est sans doute Drea que tu es venue voir... Je vais donc vous laisser. Bonnes retrouvailles… Et encore bienvenue parmi nous. »

Sur ces derniers mots je m’immisce dans la pénombre et retourne vaquer à mes occupations.



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